Une itinérance en autonomie, entre Marseille et le col du Sommeiller, à l’invitation et sur un tracé original de Sims Teuteul ( Bonus : Adrien Zammit )
Riders : Sims Teuteul / Adrien Zammit / Didier Caillou / Matthieu Lifschitz Manivelle
Réalisée du jeudi 14 au lundi 18 octobre 2021
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Photos : Sony A7RIII + focale fixe FE 1,8/55
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À l’origine était une discussion, un projet, presque concrétisé, entre Simon et Alister McKee. Les aléas de la vie et la pandémie auront eu raison temporairement de ce rêve, jusqu’à ce que Simon décide de le relancer en montant notre petite équipe. Ne nous mentons pas, nous avons pour beaucoup d’entre nous, l’amour des gros chiffres. Comment dès lors résister à la tentation de passer au dessus des 3000 m. d’altitude, à vélo bien entendu, et en partant de la maison ?
Marseille dispose d’un célèbre marégraphe nous situant précisément au niveau zéro de la mer. De là, nous écumerons les petites routes et pistes provençales, puis alpines, pour rejoindre à grandes enjambées de massifs se faisant de plus en plus imposants, le col du Sommeiller, culminant à tout juste 3000 m.
Nous n’avons pas d’objectif particulier à tenir. Le programme est ambitieux mais nous avons le temps.
Oui, mais non.
Une fois encore, la météo trouve son mot à dire. Pas un gros mot, mais elle nous annonce les orages pour mardi. En haute montagne, sur une piste en cul-de-sac, au milieu d’un cirque menant au glacier à 3000 m. d’altitude, en plein mois d’octobre, ça coupe immédiatement toute envie de défiance.
Nous synchronisons nos montres pour une ascension au plus tard lundi, quitte à prendre quelques raccourcis si nécessaire.
Voici le carnet de bord, jour par jour, en premier commentaire de chaque tour :
— JOUR 1: L’exfiltration.
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Classique : se faufiler à travers la circulation pour s’extraire du centre ville. Franchir le mur du chemin de Mimet, lourdement chargé c’est quand même moins évident que d’ordinaire mais cela reste la sortie la plus douce et symbolique, d’où nous pouvons dire au revoir à la baie de Marseille en son sommet. Quelques talus, pistes ainsi qu’une pause déjeuner bien garnie et nous voici rapidement sur les hauteurs du lac de Sainte-Croix. Le premier soir se fera tout proche, chez des amis d’Adrien, dans un accueillant hameau où nous passerons une chaleureuse soirée.
— JOUR 2: Le bivouac.
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C’est ici qu’Adrien nous a préparé un détour, et quel parcours ! Notre remontée se fait par l’iconique D17. Une route certes, mais qui en en pratique est une incroyable piste serpentant sur les hauteurs du Verdon.
Le premier fait du jour : je suis totalement à la ramasse. Pendant que mes trois compagnons virevoltent dans les ascensions, je suis à la traine. Plus lourdement équipé que d’ordinaire, très certainement moins en jambes en cette fin de saison qui fut bien remplie de challenges soutenus, je n’arrive pas à tenir la cadence.
Heureusement, mes camarades sont compréhensifs et épongent mes doutes en m’attendant régulièrement afin de garder notre cohésion.
Nous trouvons rapidement notre premier lieu de bivouac à l’abri du vent, non loin d’une chapelle isolée.
Deuxième fait du jour : nous ne sommes pas seul.
À peine terminé notre diner, dans la nuit, quatre yeux s’illuminent dans le faisceau de nos lampes frontales. Ce ne sont ni les bières ni l’Armagnac qui nous jouent un tour, mais bien deux gros chiens qui s’approchent sans bruit et viennent inspecter notre campement.
Par chance, ils ne sont pas agressifs. Après avoir bien vérifié que nous étions sages, ils sont retournés à leur occupation favorite : surveiller le troupeau de chèvre qui venait de se poster tout prêt. Il est temps d’aller se coucher.
— JOUR 3: Le refuge.
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Nos nouveaux amis sont venus nous dire au revoir, accompagnés de deux de leurs petits potes. Queues qui remuent, berger non loin, pas d’affolement. Mais on reste prudent. Dans le doute, rester courtois.
Même après avoir très correctement dormi, de nouvelles jambes pleines d’énergie et de panache ne se sont pas greffées à mon corps comme par magie… Les pistes sont parfois rudes et caillouteuses, les murs à franchir intenses, jusqu’au col de Pontis qui finit de m’achever gentiment.
Au sommet, Simon sort son joker : le refuge !
Il m’annonce qu’après inspection des cartes nous sommes tout proche d’un splendide refuge niché en pleine forêt sur le belvédère Pierre Arnoux à 1300 m. d’altitude.
Joie !
Et nous ne sommes pas déçu. L’installation est parfaite, le lieu paisible et dégagé.
Le diner et l’Armagnac feront ici aussi leurs meilleurs effets.
— JOUR 4: L’approche.
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Cette quatrième étape devait être bien plus ambitieuse. Un col à plus de 2000 m., deux gros secteurs gravel à flanc de montagne et l’approche vers le col de l’Échelle.
À la sortie du premier secteur sur piste qui nous fait redescendre à hauteur du lac de Serre-Ponçon, j’informe mes compagnons de ne pas m’attendre.
L’objectif principal est l’ascension du Sommeiller. Pour qu’il se fasse dans de bonnes conditions climatiques il faut le tenter le lendemain, pas plus tard, et je ne veux pas risquer de compromettre ce but en piochant, en trainant.
J’entreprends ce que l’on peut appeler une « étape de liaison », par la route, à mon rythme, en douceur jusqu’à Briançon où je déjeunerai, me permettant de garder l’énergie nécessaire pour le lendemain.
Je laisse ainsi l’opportunité à mes amis d’aller profiter des pistes, ce qu’ils ne se gênent pas de faire ! Gagnant-gagnant.
Une fois franchi le col de l’Échelle, mes compagnons qui sont à environ deux heures de route derrière moi, me mettent en charge de trouver le lieu de bivouac.
La face nord du col est austère, littéralement gelée et je décide de descendre jusqu’à Bardonecchia.
Mes recherches d’une prairie, d’un champ non privé ou d’un lieu qui me semble sécurisé ne mènent à rien dans cette ville olympique où les infrastructures sont denses, entre maisons cossues et terrains de golf.
Tant pis, j’avance. Donc je grimpe.
En effet, l’ascension du Sommeiller commence dès la sortie de la ville. Je trouve finalement, après deux mauvaises pioches, un lieu fantastique pour son panorama après Rochemolles.
Si mes camarades sont étonnés d’avoir eu à pousser si loin pour me rejoindre, il faut avouer que cette dernière étape, à 1700 m. d’altitude, nous positionne sur un point de départ idéal pour cette ultime ascension. Sans regrets !
— JOUR 5: Le glacier.
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Au réveil, nous sommes déjà à 1700 m. Il nous reste 18 km de piste pour attendre les 3000 m. du sommet.
Si en pleine saison ou le week-end, ce cul-de-sac peut être très chargé en 4×4 et motos, à l’image du col du Parpaillon, un lundi par une matinée aux températures négatives, il y a moins de candidats !
On ne doit pas être loin du rêve qui nous a animé jusqu’ici. Le cirque est imposant, ses roches menaçantes forcent le respect. La neige, visible au sommet, est magnétique. Lacet après lacet, esquivant les pièges de cailloux et autres plaques de verglas rescapées de la nuit, l’objectif nous pousse, nous hisse, dans un silence aussi saisissant que l’immensité du site.
L’accomplissement est total, la joie intense, les yeux écarquillés.
Nous ne remercierons jamais assez Simon d’avoir été moteur de cette extraordinaire randonnée automnale, nous permettant d’arpenter ces massifs et atteindre notre but dans des conditions optimales dont nous n’osions pas rêver.